mardi 6 octobre 2009

100 Jahre Ballets Russes

100 Jahre Ballets Russes, c’est la traduction allemande pour le 100ème anniversaire des Ballets Russes. Pourquoi allemande me diriez vous ? Et bien entre deux chopes de bière à l’Oktoberfest, Le Polyscope a couvert trois performances (Ballets Russes, Carmen et Ariadne auf Naxos) d’une rare exécution au Bayerisches Staatsballett et au Bayerische Staatsoper de Munich. Premier arrêt pour le 100ème anniversaire des Ballets Russes.

Shéhérazade

Musique de Rimsky-Karsakow, chorégraphie de Mikhail Fokine. L’histoire prend place dans un harem au temps des Milles et une nuits. Zobéide (Lucia Lacarra), la favorite du Shah Shariar, se sent délaissée par le souverain, et le suspecte de rechercher les faveurs d’une autre. Laissant Zobéide avec les autres femmes du harem aux parures de couleurs et aux hanches endiablées, plusieurs esclaves viennent rejoindre les femmes et prennent part à une véritable ode à l’amour (lire ici orgie pure et simple). Zobéide est quant à elle rejointe par un esclave d’or, se séduisant mutuellement, pour terminer en une danse sensuelle, les deux s’abandonnant l’un à l’autre.

Le Shah apparait, rejoint par son frère haineux. Les gardes sont appelés, et assassinent femmes et esclaves du harem, y compris l’esclave d’or de Zobéide. Prise de désespoir, elle se suicide au pied du Shah. Cette histoire marque le début des récits des Milles et une nuits, car le Shah passera par la suite chaque nuit avec une femme différente, les tuant au soleil levant, pour ne pas qu’elles puissent le tromper. Shéhérazade sera la seule à le captiver par ses récits qui continuèrent nuit après nuit, jusqu’à vaincre sa jalousie et conquérir son amour.

Le ballet est magnifique, la musique de Rimski-Karsakov réussissant à transmettre de fortes émotions, soutenue par une mise en scène à l’érotisme éblouissant.


Zobéide, crédit photo : Wilfried Hösl


Les Biches

Musique de François Poulenc, chorégraphie de Bronislawa Nijinska. Côte d'Azur, un après midi. Trois sportifs français sèment le trouble dans l’esprit encore innocent des biches, ces demoiselles aux allures pures et sensibles. Mais derrière cette façade délicate se cache aussi une terrible envie de conquérir physiquement le cœur et le corps des trois sportifs, dont l’un est épris par une mystérieuse hôtesse de la villa à la grâce distinguée.

L’histoire n’est qu’un prétexte à une chorégraphie explorant toutes les possibilités des ballets classiques, et reste quelque peu creuse par rapport au ballet précédent. La chorégraphe russe Nijinska n’étant autre que la sœur du célèbre Nijinski qui marqua l’histoire du ballet, on ne pouvait s’attendre à une performance autre que techniquement parfaite de la part des danseurs et danseuses.

Les Biches, crédit photo : Wilfried Hösl

Once Upon An Ever After

Le clou de la soirée ! Une véritable surprise visuelle et auditive, poignante d’émotions et au modernisme inattendu. Chorégraphie de Terence Kohler et musique : la Symphonie pathétique de Tchaïkovski.

À travers les différents thèmes du ballet classique (l’éternité, le cœur brisé, les créatures de la nuit, le réveil, la valse compulsive, le classicisme symphonique, l’éternel cygne et pour finir l’éternité) nous retrouvons les personnages de Giselle, le Lac des cygnes et la Belle au bois dormant, figures dominantes du ballet dit «classique». Chaque tableau propose un décor original, exploitant à merveille la musique de Tchaïkovski, tantôt dans les moments de désespoir ou de renouveau.

La mise en scène est originale et innovante, désacralisant quelque peu cette forme très codifiée de l’art dramatique, certaines danseuses enfilant leur tutu sur la tête, se faisant pour l’occasion une auréole florale. La foule réserva ses plus chaleureux applaudissements pour cette dernière création, allant même jusqu’à une ovation debout de la part de l’ensemble du public après de nombreux rappels.

Le Bayerisches Staatsballett a véritablement réussi à rendre hommage au 100ème anniversaire des Ballets Russes, avec une programmation de trois œuvres variées, allant d’un grand classique en Shéhérazade à une ode au classicisme du genre avec Les Biches, tout en passant par une performance moderne et originale avec Once Upon An Ever After. Bravo aux danseurs, qui réussirent à combler l’audience de par leurs exploits sur scène, ainsi qu’au chef d’orchestre Valery Ovsianikov qui sus délivrer une performance soutenue et d’une exécution de grande justesse lors des trois spectacles.

Par William Sanger

Simon Boccanegra au Grand Théâtre de Genève


Simon Boccanegra, corsaire doge de la ville de Gènes aux prises avec les luttes intestines du pouvoir et des intrigues amoureuses qui rongent son entourage. Simon Boccanegra, l’opéra de Verdi, est joué au Grand Théâtre de Genève dans une mise en scène de José Luis Gómez d’une rare qualité où modernisme et émotion se côtoient…

Cet opéra en trois actes et un prologue est produit conjointement avec le Gran Teatr del Liceu de Barcelone, opéra reconnu pour son avant-gardisme permanent.

Simon Boccanegra, crédits photo : Carole Parodi

D’une intrigue foisonnante, le livret musical fut écrit une première fois par Verdi en 1857 à la Fenice de Venise puis fut retravaillé par l’auteur en 1881 à la Scala de Milan. C’est cette seconde version qui est présentée dans les salles du monde, opéra peu joué de par l’ampleur du récit et la prédominance des barytons et basses, mais ô combien plaisant à voir si la mise en scène ne s’empêtre pas dans les détails historiques et laisse l’ampleur adéquate aux personnages de Simon Boccanegra (Roberto Frontali), Fiesco (Giacomo Prestia). Le Grand Théâtre a su relever le défi et a présenté une œuvre de grand esthétisme.

Porté au pouvoir en tant que doge de la ville de Gènes après une vie de corsaire, Simon Boccanegra trouve en Fiesco un ennemi redoutable, car le nouveau doge s’est épris de la fille de Fiesco, fille maintenant morte dont l’enfant a été enlevé. C’est lors de ce prologue que débute l’opéra de trois actes aux décors originaux, très épurés, consistant en deux panneaux de verres réfléchissants lumières et servant de miroir, où le jeu des ombres et de la profondeur accentue et sert grandement l’aspect dramatique des personnages.

L’acte premier a lieu vingt-cinq années plus tard et présente le doge Boccanegra en homme juste et sage. Les luttes de pouvoir à Gènes font rage, les Guelfes tentant d’assassiner Simon Boccanegra. Sous des teintes pâles, rosâtres et s’apparentant au lever de soleil matinal, la belle Amelia Grimaldi (Krassimira Stoyanova) apparaît, tiraillée entre son amour pour le jeune Guelfe Gabriele Adorno et le mariage que désire arranger le doge en elle et Paolo Albiani. Après être restés en tête à tête, Simon Boccanegra découvre en Amelia sa fille enlevée lors de son ascension au pouvoir 25 ans plus tôt, et intercède en faveur de l’union qu’Amélia désire avec Gabriele.

Paolo, fou de rage, formente le projet d’assassiner le doge, et trompe Gabriele en le convainquant d’empoisonner la coupe de Boccanegra. Le second acte montre Simon réunissant et sommant d’apaiser les différents camps, leur disant qu’ils sont frères envers et contre tout.

Finalement, Boccanegra boit le poison, et se meurt lentement. Après avoir vu une dernière fois la mer qui l’a jadis porté au vent, il bénit les jeunes mariés Amelia et Gabriele, et se réconcilie avec son ancien ennemie Fiesco en lui présentant sa petite-fille Amelia qu’il croyait aussi perdue. La ville pleure, les sons de cloches de l’orchestre retentissent, sinistres, et les habitants nomment Gabriele doge de Gènes à la place de Boccanegra.

Cette vaste histoire est servie à merveille par la mise en scène de l’espagnol Gómez, alimentant ainsi un véritable flot émotionnel dans les moments forts de l’opéra. L’arrivée d’Amélia, à travers les panneaux de verres miroitant, le dédoublement de la foule oppressant les personnages, la portée au pouvoir de Boccanegra ainsi que la fin du premier acte où Paolo est maudit par la foule et lui-même, et où les panneaux semblent rétrécir jusqu’à l’écraser, sont autant d’instant poignants et forts de cette première de saison. Bravo au chef d’orchestre italien Evelino Pidò qui a su diriger de main de maître tout au long des 2h30 de la représentation, rendant cette soirée inoubliable.

Par William Sanger