mardi 6 octobre 2009

Simon Boccanegra au Grand Théâtre de Genève


Simon Boccanegra, corsaire doge de la ville de Gènes aux prises avec les luttes intestines du pouvoir et des intrigues amoureuses qui rongent son entourage. Simon Boccanegra, l’opéra de Verdi, est joué au Grand Théâtre de Genève dans une mise en scène de José Luis Gómez d’une rare qualité où modernisme et émotion se côtoient…

Cet opéra en trois actes et un prologue est produit conjointement avec le Gran Teatr del Liceu de Barcelone, opéra reconnu pour son avant-gardisme permanent.

Simon Boccanegra, crédits photo : Carole Parodi

D’une intrigue foisonnante, le livret musical fut écrit une première fois par Verdi en 1857 à la Fenice de Venise puis fut retravaillé par l’auteur en 1881 à la Scala de Milan. C’est cette seconde version qui est présentée dans les salles du monde, opéra peu joué de par l’ampleur du récit et la prédominance des barytons et basses, mais ô combien plaisant à voir si la mise en scène ne s’empêtre pas dans les détails historiques et laisse l’ampleur adéquate aux personnages de Simon Boccanegra (Roberto Frontali), Fiesco (Giacomo Prestia). Le Grand Théâtre a su relever le défi et a présenté une œuvre de grand esthétisme.

Porté au pouvoir en tant que doge de la ville de Gènes après une vie de corsaire, Simon Boccanegra trouve en Fiesco un ennemi redoutable, car le nouveau doge s’est épris de la fille de Fiesco, fille maintenant morte dont l’enfant a été enlevé. C’est lors de ce prologue que débute l’opéra de trois actes aux décors originaux, très épurés, consistant en deux panneaux de verres réfléchissants lumières et servant de miroir, où le jeu des ombres et de la profondeur accentue et sert grandement l’aspect dramatique des personnages.

L’acte premier a lieu vingt-cinq années plus tard et présente le doge Boccanegra en homme juste et sage. Les luttes de pouvoir à Gènes font rage, les Guelfes tentant d’assassiner Simon Boccanegra. Sous des teintes pâles, rosâtres et s’apparentant au lever de soleil matinal, la belle Amelia Grimaldi (Krassimira Stoyanova) apparaît, tiraillée entre son amour pour le jeune Guelfe Gabriele Adorno et le mariage que désire arranger le doge en elle et Paolo Albiani. Après être restés en tête à tête, Simon Boccanegra découvre en Amelia sa fille enlevée lors de son ascension au pouvoir 25 ans plus tôt, et intercède en faveur de l’union qu’Amélia désire avec Gabriele.

Paolo, fou de rage, formente le projet d’assassiner le doge, et trompe Gabriele en le convainquant d’empoisonner la coupe de Boccanegra. Le second acte montre Simon réunissant et sommant d’apaiser les différents camps, leur disant qu’ils sont frères envers et contre tout.

Finalement, Boccanegra boit le poison, et se meurt lentement. Après avoir vu une dernière fois la mer qui l’a jadis porté au vent, il bénit les jeunes mariés Amelia et Gabriele, et se réconcilie avec son ancien ennemie Fiesco en lui présentant sa petite-fille Amelia qu’il croyait aussi perdue. La ville pleure, les sons de cloches de l’orchestre retentissent, sinistres, et les habitants nomment Gabriele doge de Gènes à la place de Boccanegra.

Cette vaste histoire est servie à merveille par la mise en scène de l’espagnol Gómez, alimentant ainsi un véritable flot émotionnel dans les moments forts de l’opéra. L’arrivée d’Amélia, à travers les panneaux de verres miroitant, le dédoublement de la foule oppressant les personnages, la portée au pouvoir de Boccanegra ainsi que la fin du premier acte où Paolo est maudit par la foule et lui-même, et où les panneaux semblent rétrécir jusqu’à l’écraser, sont autant d’instant poignants et forts de cette première de saison. Bravo au chef d’orchestre italien Evelino Pidò qui a su diriger de main de maître tout au long des 2h30 de la représentation, rendant cette soirée inoubliable.

Par William Sanger

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