THAIS, opéra de Jules Massenet (1842-1912). Représentation du 27 décembre 2008 au Metropolitan Opera de New York, sous la direction de Jesùs Lòpez-Cobos, avec Renée Fleming dans le rôle de Thais et Thomas Hampson dans celui d'Athanaël.
L’histoire se déroule en Égypte, à l’époque paléochrétienne du 4e siècle. Le livret de Louis Gallet reprend le thème d’un roman d’Anatole France, sans toutefois en garder l’ironie sulfureuse. Il s’agit de la conversion, par un moine cénobite vivant dans le désert, d’une courtisane de la ville « corrompue » d’Alexandrie. Le texte de qualité, chanté en français, et la musique typique de l’école française de la fin du 19e siècle développent une progression psychologique très fine : celle du moine zélé et intransigeant découvrant l’amour terrestre, et en parallèle, celle d’une prétresse de Vénus en pleine gloire amoureuse qui prend conscience que sa beauté n’est pas éternelle et qui rejette tout pour s’abandonner à l’amour divin. Elle suit dans le désert le moine jusqu’à l’épuisement puis, dans le couvent, à force de privations, meurt en état d’extase religieuse.
Les décors, le désert, la ville, l’enceinte du couvent s’accordent aux épisodes de l’intrigue. Le jeu des différents interprètes est vivant. La danse voluptueuse et tentatrice est théatralement suggestive et réussie (hormis un mouvement de tête relevant de la danse indienne). En général, les costumes des moines, des nonnes et des courtisanes respectent au premier degré les conventions. Face aux détails anachroniques du gardien armé d’un fusil, des serviteurs vêtus à la turque, de l’invité à veste en queue de pie, du philosophe en robe de chambre bourgeoise et à petite moustache, des questions se posent : cela fait-il partie du scénario et de la tradition ?, a-t-on voulu rappeler volontairement le style fin de siècle originel (la première représentation date de 1894) ?, le metteur en scène et le costumier seraient-ils dépourvus de culture historique ?.
Au delà du thème suranné (mais les zèles et fanatismes religieux de tous bords d’aujourd’hui montrent combien le thème reste actuel), malgré le scénario linéaire, les limites de la composition musicale et certains détails de mise en scène, la magie de l’opéra a transcendé l’oeuvre et sa représentation. Cette magie est avant tout redevable à la forte présence de Renée Fleming sur la scène, à son chant dans un registre de trois octaves, à sa beauté et à son jeu émouvant, en duo avec un Thomas Hampson irréprochable. Bien sûr, le cadre du MET et l’émotion de son public ont également porté l’oeuvre ; ceci fut évident à la fin du célèbre interlude « Méditation » pour violons, violon solo et harpe.
Le MET a redonné vie à cette oeuvre rarement jouée. Le thème de l’oeuvre et la maison incendiée réveillent un pan de l’histoire trop souvent oublié : celui de la destruction fanatique par les chrétiens des lieux de culte antiques et d’une partie de la Bibliothèque d’Alexandrie. Et aujourd’hui combien de personnes sont tuées ou enclavées au nom de religions ?
Serge Occhietti
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire