Ce monument de musique, achevé en 1983, était présenté pour la première fois au Canada, dans le cadre du centenaire de la naissance de Olivier MESSIAEN, compositeur français (1908-1992).
Le décor : un orchestre de 119 musiciens et un choeur de 150 chanteurs sur toute la scène de la salle Wilfrid Pelletier, un plein écran au-dessus.
L’oeuvre : une structure simple, 3 actes et 8 tableaux, qui dure 4 heures, sans compter deux entractes (50 mn hors retard dû à la tempête de neige de mardi et 15 mn).
Le thème : des exemples de l’itinéraire spirituel de François d’Assise : l’épreuve d’amour pour un lépreux, l’apparition de l’ange et le sermon aux oiseaux et, enfin, les stigmates et la mort. Plus qu’un opéra, il s’agit en fait d’un long poème de spiritualité chrétienne où alternent des voix humaines avec soutien orchestral et des séquences orchestrales avec ou sans choeur. Pour saisir pleinement cette oeuvre musicale, l’auditeur doit accepter cette louange religieuse et la monumentale mise en musique proposées par MESSIAEN.
Olivier Messiaen, crédits : Yayoi Kuruma
Les frères religieux et François, hiératiques en avant de l’orchestre, ainsi que l’ange chantent selon un mode proche du récitatif, avec une diction en général suffisante pour comprendre le texte.
L’orchestre crée l’atmosphère, introduit les personnages par des leitmotive et leur répond. Ce dialogue concertant entre les personnages et l’orchestre, ainsi que les thèmes récurrents, maintiennent l’intérêt de l’auditeur et lui permettent de supporter l’absence d’action et la longueur de l’oeuvre. L’écriture musicale est extrêmement riche et laisse deviner une complexité sous-jacente (La partition de 8 volumes pèse 12 kg). MESSIAEN met en valeur les percussions et leur cède plusieurs fois l’exclusivité, ce qui permet à l’auditeur à la fois de respirer et de suivre un jeu de percussion à couper le souffle.
Cette musique semble paradoxalement sobre, dépouillée, avec une combinaison de timbres et de sons qui fusionnent en méta-musique. Musique du 20e siècle, sans fioriture, où l’inspiration spirituelle s’exprime intellectuellement, où l’émotion est transposée en langage musical abstrait.
La performance : nous devons louer le chef d’orchestre, Kent NAGANO, d’avoir dirigé cette oeuvre avec rigueur et passion et offert une performance éblouissante. Parvenir à intégrer l’orchestre, le choeur et les chanteurs nécessite une précision rythmique parfaite. La direction de Kent NAGANO est d’autant plus remarquable qu’il a dû intégrer à l’Orchestre symphonique de Montréal des musiciens et choristes d’autres orchestres (universités de Montréal et de McGill, UQAM) et semble-t-il des percussionnistes invités de France. Le Saint François d’Assise de Kent NAGANO restera un événement de référence internationale. Les chanteurs et la chanteuse avaient une présence à la mesure de leur rôle, lumineuse pour l’ange, forte et expressive pour le lépreux, les frères Léon, Bernard et Élie, plus effacée pour les frères Massée et Rufin. Que l’on pardonne le mécréant qui écrit ces lignes, mais il imaginait François touché par la grâce, illuminé par la béatitude spirituelle, humble parmi les humbles, recueilli, et non un moine professionnellement correct, statique, inexpressif. Le choeur, utilisé plus comme un complément occasionnel que comme un partenaire concertant, était chaleureux. L’orchestre a été fantastique. À noter le défi pour les trombones de jouer certaines parties brèves et très rapides en même temps que les percussions, dans l’intermède du premier acte. La création visuelle avait au moins une qualité, elle n’interférait pas avec l’écoute et le regard aux chanteurs et à l’orchestre. La fusion des visages dans les images, notamment celui de l’ange, renforçait le symbolisme.
Kent Nagano, crédits : Jean Olivier, journal de Montréal
Les grands moments : le dialogue musicalement contrasté du lépreux et de François (Acte 1), les ondes Martenot de la musique céleste et le chant des oiseaux de l’Acte 2, les intermèdes de percussion des trois actes, l’apothéose finale de l’Acte 3.
Le Saint François d’Assise de Olivier MESSIAEN ? une invitation à écouter les oiseaux et le bruissement nocturne des étoiles dans l’espace.
Serge Occhietti
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