mardi 6 octobre 2009

100 Jahre Ballets Russes

100 Jahre Ballets Russes, c’est la traduction allemande pour le 100ème anniversaire des Ballets Russes. Pourquoi allemande me diriez vous ? Et bien entre deux chopes de bière à l’Oktoberfest, Le Polyscope a couvert trois performances (Ballets Russes, Carmen et Ariadne auf Naxos) d’une rare exécution au Bayerisches Staatsballett et au Bayerische Staatsoper de Munich. Premier arrêt pour le 100ème anniversaire des Ballets Russes.

Shéhérazade

Musique de Rimsky-Karsakow, chorégraphie de Mikhail Fokine. L’histoire prend place dans un harem au temps des Milles et une nuits. Zobéide (Lucia Lacarra), la favorite du Shah Shariar, se sent délaissée par le souverain, et le suspecte de rechercher les faveurs d’une autre. Laissant Zobéide avec les autres femmes du harem aux parures de couleurs et aux hanches endiablées, plusieurs esclaves viennent rejoindre les femmes et prennent part à une véritable ode à l’amour (lire ici orgie pure et simple). Zobéide est quant à elle rejointe par un esclave d’or, se séduisant mutuellement, pour terminer en une danse sensuelle, les deux s’abandonnant l’un à l’autre.

Le Shah apparait, rejoint par son frère haineux. Les gardes sont appelés, et assassinent femmes et esclaves du harem, y compris l’esclave d’or de Zobéide. Prise de désespoir, elle se suicide au pied du Shah. Cette histoire marque le début des récits des Milles et une nuits, car le Shah passera par la suite chaque nuit avec une femme différente, les tuant au soleil levant, pour ne pas qu’elles puissent le tromper. Shéhérazade sera la seule à le captiver par ses récits qui continuèrent nuit après nuit, jusqu’à vaincre sa jalousie et conquérir son amour.

Le ballet est magnifique, la musique de Rimski-Karsakov réussissant à transmettre de fortes émotions, soutenue par une mise en scène à l’érotisme éblouissant.


Zobéide, crédit photo : Wilfried Hösl


Les Biches

Musique de François Poulenc, chorégraphie de Bronislawa Nijinska. Côte d'Azur, un après midi. Trois sportifs français sèment le trouble dans l’esprit encore innocent des biches, ces demoiselles aux allures pures et sensibles. Mais derrière cette façade délicate se cache aussi une terrible envie de conquérir physiquement le cœur et le corps des trois sportifs, dont l’un est épris par une mystérieuse hôtesse de la villa à la grâce distinguée.

L’histoire n’est qu’un prétexte à une chorégraphie explorant toutes les possibilités des ballets classiques, et reste quelque peu creuse par rapport au ballet précédent. La chorégraphe russe Nijinska n’étant autre que la sœur du célèbre Nijinski qui marqua l’histoire du ballet, on ne pouvait s’attendre à une performance autre que techniquement parfaite de la part des danseurs et danseuses.

Les Biches, crédit photo : Wilfried Hösl

Once Upon An Ever After

Le clou de la soirée ! Une véritable surprise visuelle et auditive, poignante d’émotions et au modernisme inattendu. Chorégraphie de Terence Kohler et musique : la Symphonie pathétique de Tchaïkovski.

À travers les différents thèmes du ballet classique (l’éternité, le cœur brisé, les créatures de la nuit, le réveil, la valse compulsive, le classicisme symphonique, l’éternel cygne et pour finir l’éternité) nous retrouvons les personnages de Giselle, le Lac des cygnes et la Belle au bois dormant, figures dominantes du ballet dit «classique». Chaque tableau propose un décor original, exploitant à merveille la musique de Tchaïkovski, tantôt dans les moments de désespoir ou de renouveau.

La mise en scène est originale et innovante, désacralisant quelque peu cette forme très codifiée de l’art dramatique, certaines danseuses enfilant leur tutu sur la tête, se faisant pour l’occasion une auréole florale. La foule réserva ses plus chaleureux applaudissements pour cette dernière création, allant même jusqu’à une ovation debout de la part de l’ensemble du public après de nombreux rappels.

Le Bayerisches Staatsballett a véritablement réussi à rendre hommage au 100ème anniversaire des Ballets Russes, avec une programmation de trois œuvres variées, allant d’un grand classique en Shéhérazade à une ode au classicisme du genre avec Les Biches, tout en passant par une performance moderne et originale avec Once Upon An Ever After. Bravo aux danseurs, qui réussirent à combler l’audience de par leurs exploits sur scène, ainsi qu’au chef d’orchestre Valery Ovsianikov qui sus délivrer une performance soutenue et d’une exécution de grande justesse lors des trois spectacles.

Par William Sanger

Simon Boccanegra au Grand Théâtre de Genève


Simon Boccanegra, corsaire doge de la ville de Gènes aux prises avec les luttes intestines du pouvoir et des intrigues amoureuses qui rongent son entourage. Simon Boccanegra, l’opéra de Verdi, est joué au Grand Théâtre de Genève dans une mise en scène de José Luis Gómez d’une rare qualité où modernisme et émotion se côtoient…

Cet opéra en trois actes et un prologue est produit conjointement avec le Gran Teatr del Liceu de Barcelone, opéra reconnu pour son avant-gardisme permanent.

Simon Boccanegra, crédits photo : Carole Parodi

D’une intrigue foisonnante, le livret musical fut écrit une première fois par Verdi en 1857 à la Fenice de Venise puis fut retravaillé par l’auteur en 1881 à la Scala de Milan. C’est cette seconde version qui est présentée dans les salles du monde, opéra peu joué de par l’ampleur du récit et la prédominance des barytons et basses, mais ô combien plaisant à voir si la mise en scène ne s’empêtre pas dans les détails historiques et laisse l’ampleur adéquate aux personnages de Simon Boccanegra (Roberto Frontali), Fiesco (Giacomo Prestia). Le Grand Théâtre a su relever le défi et a présenté une œuvre de grand esthétisme.

Porté au pouvoir en tant que doge de la ville de Gènes après une vie de corsaire, Simon Boccanegra trouve en Fiesco un ennemi redoutable, car le nouveau doge s’est épris de la fille de Fiesco, fille maintenant morte dont l’enfant a été enlevé. C’est lors de ce prologue que débute l’opéra de trois actes aux décors originaux, très épurés, consistant en deux panneaux de verres réfléchissants lumières et servant de miroir, où le jeu des ombres et de la profondeur accentue et sert grandement l’aspect dramatique des personnages.

L’acte premier a lieu vingt-cinq années plus tard et présente le doge Boccanegra en homme juste et sage. Les luttes de pouvoir à Gènes font rage, les Guelfes tentant d’assassiner Simon Boccanegra. Sous des teintes pâles, rosâtres et s’apparentant au lever de soleil matinal, la belle Amelia Grimaldi (Krassimira Stoyanova) apparaît, tiraillée entre son amour pour le jeune Guelfe Gabriele Adorno et le mariage que désire arranger le doge en elle et Paolo Albiani. Après être restés en tête à tête, Simon Boccanegra découvre en Amelia sa fille enlevée lors de son ascension au pouvoir 25 ans plus tôt, et intercède en faveur de l’union qu’Amélia désire avec Gabriele.

Paolo, fou de rage, formente le projet d’assassiner le doge, et trompe Gabriele en le convainquant d’empoisonner la coupe de Boccanegra. Le second acte montre Simon réunissant et sommant d’apaiser les différents camps, leur disant qu’ils sont frères envers et contre tout.

Finalement, Boccanegra boit le poison, et se meurt lentement. Après avoir vu une dernière fois la mer qui l’a jadis porté au vent, il bénit les jeunes mariés Amelia et Gabriele, et se réconcilie avec son ancien ennemie Fiesco en lui présentant sa petite-fille Amelia qu’il croyait aussi perdue. La ville pleure, les sons de cloches de l’orchestre retentissent, sinistres, et les habitants nomment Gabriele doge de Gènes à la place de Boccanegra.

Cette vaste histoire est servie à merveille par la mise en scène de l’espagnol Gómez, alimentant ainsi un véritable flot émotionnel dans les moments forts de l’opéra. L’arrivée d’Amélia, à travers les panneaux de verres miroitant, le dédoublement de la foule oppressant les personnages, la portée au pouvoir de Boccanegra ainsi que la fin du premier acte où Paolo est maudit par la foule et lui-même, et où les panneaux semblent rétrécir jusqu’à l’écraser, sont autant d’instant poignants et forts de cette première de saison. Bravo au chef d’orchestre italien Evelino Pidò qui a su diriger de main de maître tout au long des 2h30 de la représentation, rendant cette soirée inoubliable.

Par William Sanger

jeudi 18 juin 2009

Lucia di Lammermoor : une tragédie shakespearienne à l’italienne

L’Opéra de Montréal rabattait le voile de sa 29ème saison avec la présentation de l’œuvre de Puccini, Lucia di Lammermoor, créée en 1835 à Naples (Italie).

Lucia di Lammermoor, Acte III (Crédits : Opéra de Montréal)

Acte I. L’histoire se déroule en Écosse à la fin du XVIè siècle. Deux familles rivales, les Ashton, dont le château se situe près de Lammermoor, et les Ravenswood, connaîtront un destin tragique. Lucia Ashton (Eglise Gutierrez) et Edgardo Ravenswood (Stephen Costello) désirent se marier malgré le passé belliqueux de leurs familles respectives. Enrico Ashton (Jorge Lagunes), le frère de Lucia, désire rompre les sentiments qui unissent les jeunes gens. Edgardo, après avoir jurer son amour, doit partir en France et laisse sa bien-aimée à sa famille qui entrevoit son avenir d’une toute autre façon.

Acte II. Plusieurs mois ont passé sans que Lucia ne reçoive de nouvelle de la part d’Edgardo. Son frère Enrico intercepte chaque missive que lui envoie son amant et prépare le mariage de sa sœur avec Arturo Bucklaw. Cette nouvelle alliance se voyant refuser sur le champ par Lucia, Enrico montre une fausse lettre prouvant l’infidélité d’Edgardo. Lucia se résigne, dépitée, et consent se marier avec Arturo. Edgardo revient au château de Lammermoor où sont célébrées les fiançailles de Lucia et d’Arturo ; apprenant ce mariage, Edgardo défie Arturo et Enrico en duel.

Acte III. Le mariage est maintenant fêté. Lucia arrive au milieu des convives en robe blanche tâchée de sang, elle a assassiné Arturo, et sombre progressivement dans la folie dans la scène nommée «il dolce suono». Elle perd tout lien avec la réalité et rêve d’un avenir avec son amant Edgardo. On l’emporte, mourante. Edgardo est quant à lui sur les tombes des Ravenswood et attend Enrico pour leur duel. Il apprend que Lucia vient de mourir, et pris de désespoir, s’ôte la vie.

Lucia et Edgardo, Acte III (Crédits : Opéra de Montréal)

Lucia di Lammermoor est une œuvre forte, un peu longue (2h30), mais qui permet à la psychologie des personnages de prendre l’ampleur suffisante et essentielle pour devenir une œuvre profonde et marquante. La scène de la folie est à couper le souffle. Toute la virtuosité d’Eglise Gutierrez permet de clouer littéralement les spectateurs dans leurs sièges, et l’on comprend mieux pourquoi Luc Besson a repris ce passage dans son film le Cinquième Élément avec la scène de la Diva, tant par la beauté du morceau que par l’étendue des sentiments transmis. Un très bel effort semble avoir été mis à l’élaboration des décors qui surent recréer l’ambiance écossaise du moyen-âge. Bravo à l’Opéra de Montréal pour cette dernière représentation de la 29ème saison !

Lucia di Lammermoor termine en beauté la saison 2008-2009 de l’Opéra de Montréal qui a su présenter au fil des mois des œuvres originales, poignantes et fortes. Rappelons les Fanciulla del West de Puccini, les Pêcheurs de perles de Bizet, Macbeth de Verdi, Cosi fan tutte de Mozart (Atelier lyrique) et bien sur Starmania du duo Plamondo-Berger qui marquèrent et firent vibrer la scène musicale montréalaise de par leur qualité d’interprétation, l’originalité des décors et de la mise en scène, puis finalement par le caractère magique de chacune des représentations.

L’Opéra de Montréal fêtera son 30ème anniversaire avec faste par une programmation exceptionnelle pour l’année 2009-2010 qui débutera le 26 septembre prochain avec le programme double Il Paggliacci de Leoncavallo et Gianni Schicchi de Puccini. Novembre apportera La Flûte enchantée de Mozart avec notamment Karina Gauvin dans le rôle de Pamina. Comme cadeau d’anniversaire, l’Opéra offrira à Montréal Tosca, œuvre de Puccini, qui fut la première pièce jouée de l’histoire de l’Opéra de Montréal en 1980. Simon Baccanegra (Verdi) prendra l’affiche en mars et Cendrillon de Massenet clôtura pour la fin du mois de mai cette saison qui s’annonce teintée d’accents italiens, relevée en qualité et riche en émotion.

William Sanger

mardi 16 juin 2009

Le Sacre du printemps & RE-II

Lorsque le 29 mai 1913 les parisiens découvrirent pour la première fois Le Sacre du Printemps de Stravinsky, chorégraphié par Nijinski, ce fut un scandale tel que les danseurs n’entendaient même pas la musique, assaillis par les sifflements, les cris, les demandes de duel… Aujourd’hui cette musique est bien-sûr considérée comme pionnière de la modernité et vous ne douterez pas en l’écoutant de sa force révolutionnaire qui vous cherche jusque dans le tréfonds de votre humanité primitive.

C’est peut-être cette force qui a manqué au Grands Ballets canadiens. Un enregistrement du Sacre plutôt que le jeu de l’orchestre n’est qu’un petit détail par rapport à une chorégraphie qui ne se situe pas clairement entre classique et novateur. Les passages de groupe nous entraînaient bien dans cet aspect ancestral et tendu qu’évoque la musique, mais le ballet tarde trop à nous accrocher, entre autres à cause des solos qui n’ont pas lieu d’être de par cet aspect collectif inhérent au Sacre. Est-ce simplement la chorégraphie qui comporte quelques faiblesses ou la troupe qui danse à la perfection mais sans âme? Cependant, on ne peut nier que le spectacle nous captive pour certains passages très forts : danse des hommes, exclusion de l’élue, course… Il a simplement déjà été fait plus intéressant.

Le ballet Re-II, même s’il s’appuie sur une bande sonore moins «puissante» est beaucoup plus convaincant dans la cohérence de son œuvre. Il nous offre une trentaine de minutes absolument délectables, dans des instants chorégraphiques complètement nouveaux. La grâce déployée sur fond de bruits de jungle, les costumes aux airs de toucan, les images projetées sont parmi les éléments qui nous font rentrer dans un lieu intemporel, appartenant au monde mais nous conduisant au-delà du réel, dans univers où la sensibilité et la spiritualité peuvent enfin reprendre leur place et oublier notre société dominée par l’adoration de l’argent. Des instants «blancs» de pure grâce. Une atmosphère inoubliable, riche, dense, où les danseurs exaltent la beauté de leur art.

Sacre du Printemps, Stijn Celis.

RE-II, Shen Wein.

26,27,28 mars et 2,3,4 avril

Raphaelle Occhietti

La Dame de Pique

Si seulement toute la grâce des ballets pouvait accompagner la vie de tous les jours ! Mais avant tout il vous faut savoir l’histoire de La Dame de Pique, ballet merveilleusement adapté du roman de Pouchkine. Le spectacle débute dans un café, où des officiers accompagnés de leurs belles jouent aux cartes. La tension règne dans cette assemblée, qui ne remarque pas qu’elle est observée de loin par un jeune homme. Hermann, officier de l’armée russe, ne peut se résoudre à jouer comme le font ses camarades, l’envie le gagnera-t-il ?

(Crédits photo : Thierry Ha, Polyphoto)

Soudain, la partie est interrompue par l’arrivée d’une comtesse. Nous plongeons alors dans ses souvenirs de jeunesse à l’aide d’une conception virtuelle impressionnante. La jeune femme, qui vit alors un premier amour, se voit révéler une combinaison de cartes qui permet infailliblement de gagner au jeu du Pharaon. Hermann, obnubilé par cette possibilité de gagner sans risque, fera tout pour arracher le secret à la comtesse, jusqu’à séduire sa dame de compagnie. Des promenades en forêt jusqu’au retour dans le temps où la comtesse, alors une séduisante jeune fille, assistait à des spectacles de ballet, nous somme éblouis par la conception moderne de la mise en scène, mêlant ainsi grâce traditionnelle à virtualité technique. Comme si le ballet permettait de transposer la vie quotidienne, de l’esthétiser, de lui donner un cachet de noblesse.

À l’aide de la jeune femme de compagnie, Hermann réussit à s’introduire chez la comtesse. Ce duo est probablement un des plus beaux instants du ballet. La scène de violence est poignante et portée par l’incroyable performance de la ballerine-comtesse. Celle-ci doit danser comme une femme âgée de 80 ans alors qu’elle n’en a probablement que 20, mais son interprétation est absolument réussie. Nous ressentons par les mouvements saccadés, qui aimeraient pouvoir retrouver la souplesse de la jeunesse, tout le poids des années, toute la résignation devant une vieillesse inéluctable. Effrayée, la comtesse meurt sous le regard froid et désespéré d’Hermann, qui vient de perdre à jamais la chance de pouvoir gagner aux cartes.

Cependant, lorsqu’il assiste aux obsèques, Hermann voit apparaître des dizaines de comtesses mais il est le seul à en faire l’hallucination. Poursuivit, il tombe sur le lit mortuaire de la défunte comtesse et dans un réveil qui crée dans toute l’assemblée le plus grand effroi, celle-ci attrape Hermann. Elle revient d’entre les limbes pour lui révéler la combinaison gagnante, non sans l’avoir terrorisé auparavant. Après avoir refusé l’amour de la dame de compagnie qui danse alors sur le thème douloureux de l’abandon après la trahison des sentiments, Hermann se précipite à la maison de jeu. Lorsqu’il gagne le premier tour, les officiers et les courtisanes se lancent dans une danse à la fois due à la colère de la perte et leur respect naissant pour cet homme. Lorsqu’il gagne la deuxième manche, Hermann décide de miser toute sa fortune. Il est porté par ses compagnons, il est acclamé, tous dansent sur les tables ou avec les jeunes femmes. Lorsqu’Hermann choisit la dernière carte supposée le faire gagner, le meneur du jeu révèle qu’il a tiré la dame de pique. Hermann a donc perdu. L’assemblée s’éloigne du disgracié qui reste seul, tombé par terre sous le poids de la honte, de l’incompréhension et du déshonneur. La comtesse fait son apparition devant cet homme qui a voulu tout avoir sans ne rien faire. Nous sentons sur ses lèvres le sourire ironique de la vengeance alors qu’elle s’éloigne à tout jamais, laissant au monde le soin de régler ses problèmes d’avarice, de mensonge et de trahison.

Les Grands Ballets Canadiens présentent ici un spectacle d’une qualité extraordinaire tant dans la maîtrise de la danse que dans l’originalité et l’harmonie de la mise en scène, méritant ainsi véritablement le levé de l’assistance et ses applaudissements.

La Dame de Pique, présentée à la salle Wilfird Pelletier de la Place des Arts le 25, 30, 31 octobre et 1er november prochain à 20h00.

Raphaelle Occhietti

Sumi Jo chante le bel canto

Contrairement aux concerts habituels (opéras, requiem, concertos), le concert présenté le 20 août 2008 par l’Orchestre Symphonique de Montréal (OSM) consistait en une sélection d’airs allant d’une symphonie à l’ouverture d’un opéra. Cette diversité d’airs permettait de proposer un éventail de prouesses techniques de la cantatrice Sumi Jo. Les airs choisis étaient des bel canto, soit des airs écrits pour mettre en valeur la virtuosité vocale de l’interprète.

Sumi Jo (Crédits photo : Richard Template, New York Times)

Le concert débute par la Symphonie no 101 de Joseph Haydn, dite « L’Horloge ». Ce morceau nous fait apprécier à sa juste valeur l’orchestre Symphonique de Montréal. En effet, celui-ci nous transmet l’harmonie du groupe par la musique jouée. Par le frémissement qui parcoure l’ensemble des musiciens répondant à celui de la baguette de Kent Nagano, nous ressentons la symbiose exceptionnelle entre les deux partis. C’est sur le Exsultate jubilate (A vos souhaits !) de Mozart que Sumi Jo fait son entrée mémorable. Elle arbore une robe de sirène au bleu étincelant qui nous laisse la bouche ouverte : nous sommes en présence d’une diva. Originaire de Corée du Sud, après avoir étudié le chant à Rome dans les années 80, Sumi Jo parcourt les opéras du monde entier pour interpréter airs célèbres (notamment la Reine de la nuit – La Flûte enchantée, Mozart) et opéra français (Offenbach). Elle fait preuve sur scène d’une présence magnétique et envoûtante. (voir Maxwell)

On qualifie Sumi Jo de soprano colorature. Soprano, car sa voix est à une tonalité la plus aigüe et légère. Colorature, car sa voix est particulièrement agile et est capable d’une grande facilité à vocaliser. L’opéra baroque italien et le bel canto (airs d’opéra de Rossini, Bellini, Donizetti) exigent de ses interprètes féminines ces caractéristiques. Après l’entracte, nous pouvons à nouveau pleinement profi ter du talent de l’Orchestre Symphonique, avec le morceau d’ouverture de La scala di seta de Rossini. Kent Nagano dirige ses musiciens sans fi oriture mais de manière directe, subtile et avec passion. Puis revient Sumi Jo, cette fois vêtue d’une robe ample, pareille à une feuille d’or. Elle interprète cette fois-ci un extrait de Linda di Chamounix de Donizetti, « O luce di quest’anima ». Elle conquiert le public par ses oscillations de voix ainsi que par sa capacité à tenir les notes les plus aigües de manière a fi ger le temps autour d’elle.

Finalement, dernière partie du programme : l’ouverture de l’opéra Norma, de Bellini. L’ouverture est magistrale ; ébahis, les spectateurs s’étonnent d’avoir gardé la bouche ouverte pour la durée de l’air. Nous avons droit à deux autres extraits de Bellini chantée par Sumi Jo : « O ! Quante volte » (I Capuleti e i Montecchi) et « Qui la voce… vien diletto » (I puratini). Sumi Jo confirme sa réputation de grande diva des temps modernes et sublime le public. Une complicité apparente s’établit entre le chef d’orchestre, heureux de diriger, et la soprano. C’est un cadeau de quatre rappels que ceux-ci nous offrent. Une troisième robe fait son entrée, aux couleurs du soleil couchant, portée par une Sumi Jo souriante et enjouée qui interprètera à tour de rôle : « Ah vos jeux, mes amis » dans Hamlet par Thomas, « Quand le printemps arrive » de Lim Kungsu pour la réunification de la Corée, « L’air de l’Olympe » des contes d’Hoffman (Kent Nagano se prêtera au jeu et ira remonter mécaniquement Sumi Jo sous les rires et la bonne humeur du public), et fi nalement « O mio babbino caro » de Puccini. Après le comique, Sumi Jo nous prouve qu’elle sait chanter un air délicat et qu’elle sait nous faire passer une émotion subtile. Cela confirme son réel talent et sa passion musicale.

Sous les vivas et bravos de la foule, la soprano et le chef d’orchestre se sont exprimés en français devant un public conquis et charmé par la beauté de la musique et la qualité de l’interprétation.

Raphaelle Occhietti et William Sanger

La Fanciulla del West de Puccini

La fanciulla del West ou la fille du Far West, un titre auquel on ne s’attend pas pour un opéra représenté pour la première fois en 1910 par le compositeur italien Puccini. Peut-être ce titre semble moins pouvoir porter la tension dramatique que nous connaissons par Madame Butterfly, Tosca ou La Bohème. Et pourtant ! L’opéra s’ouvre par l’image d’un train fi lant à vive allure qui s’estompe pour laisser place au décor de rouille et de carcasses métalliques. Qui retrouvons-nous ? Les mineurs, bien-sûr, des hommes qui donnent leur vie à la recherche de quelques pépites d’or qu’ils peuvent envoyer à leur famille restée au pays. Ils vivent au pied des Cloudy Mountains en Californie, passant de la mine au Polka Bar, où ils peuvent se réchauffer au whisky, entre les jeux et les filles. Dans cet endroit où s’accumulent fatigue, nostalgie et désespoir, le choeur des hommes entame un chant. Ces hommes chantent pour se rappeler leur pays et leur famille, ils chantent pour oublier et pour se donner du courage. Si notre sensibilité ne se trouve pas touchée par le destin tragique de grands héros, elle l’est par un cri du coeur sincère qui se fraie un chemin dans nos souvenirs ancestraux. Un sentiment étrange nous envahit, comme si tout d’un coup la douleur de l’exil de nos familles sortait de notre inconscient. Nous ne vivons pas immédiatement cette réalité mais notre histoire familiale se compose, à un moment ou à un autre, de ce déchirement.

C’est ici que rentre en scène notre fanciulla, qui se prénomme Minnie. Elle tient le Polka Bar et c’est en elle que les mineurs trouvent du réconfort. Représentant à la fois une mère qui les gronde gentiment et une soeur qui les veille lorsqu’ils sont malades. Minnie vit dans un univers masculin avec aisance puisque son coeur généreux lui vaut l’amour sincère des mineurs. Alors que le shérif tente une demande en mariage, un bel inconnu fait son entrée dans le bar, se présentant sous le nom de Dick Johnson. Petit problème : un hors-la-loi est activement recherché dans le secteur. Évidemment, nous ne tardons pas à nous douter de l’identité du nouvel arrivant, duquel Minnie tombe amoureuse. Dick et elle s’étaient déjà rencontrés mais leur route avait divergé. Émue de ces retrouvailles inattendues, Minnie invite Dick à venir la voir le soir dans sa maison au milieu de la forêt. L’acte II est époustoufl ant de tension narrative. Dick, étant le bandit qui venait pour voler l’or des mineurs, sera blessé par une balle du shérif. Réfugié chez Minnie, grâce à laquelle il a décidé de ne pas commettre de vol, il est découvert par le shérif qui voit une goutte de sang tomber du plafond. Minnie jouera donc au poker avec le shérif : si elle gagne, Dick est sauf et le shérif ne souffl era pas mot de sa présence ; si elle perd, Dick mourra pendu et elle devra se donner au shérif. Cette partie est une merveille musicale où l’orchestre oscille entre roulement léger et mélodie. Dans cette partie de poker, tout n’est pas noir ou blanc (comme nous le présente trop souvent les productions blockbusters). Minnie dit au shérif qu’elle l’a toujours respecté et lorsque Minnie gagne (en trichant), le shérif ne trahit pas sa parole et accepte l’amour qu’elle éprouve pour Dick.

Acte III. Une chasse à l’homme est organisée par les mineurs. Lorsqu’ils attrapent Dick, ces hommes ne ressentent plus rien de leur misère collective mais s’organisent en une masse de colère. Bien que Dick se défende de ne jamais avoir tué, la loi des hommes lui glisse quand même la corde au cou. L’assemblée s’accorde pour lui laisser dire ses dernières pensées. Point culminant de l’opéra, Puccini donne musicalement la place à l’homme qui comme les mineurs, par des hasards successifs, mène une vie qui ne ressemble en rien aux idéaux qu’il portait. Ch’ella mi creda… Dick demande aux mineurs que Minnie ne sache rien de sa mort misérable et ouvre ainsi son chant : « qu’elle me croit libre et loin, qu’elle m’attende, que les jours passent et qu’elle voit que je ne reviens pas ». Ce chant serre notre gorge par sa sincérité : Minnie n’est pas présente, Dick n’a rien à prouver. Ce dernier termine son chant en disant que Minnie est la seule fl eur de sa vie. Si une telle affi rmation nous paraît aujourd’hui légèrement comique, c’est peut-être parce que nous avons perdu une certaine forme de simplicité dans nos rapports au monde. Pour Dick et pour les mineurs, dans leur réalité où le passé est révolu à jamais et où le quotidien qu’ils vivent vient les détruire physiquement et psychologiquement, la fanciulla del west apporte effectivement un bonheur simple, sans artifi ces, qui naît de la véracité des sentiments humains.

Minnie arrive au milieu de l’assemblée, fusil à la main. Cette femme indépendante prend en main son avenir plutôt que de laisser un destin tragique s’imposer à elle. Les mineurs ont compris la noblesse de Dick qui respecte Minnie et qui voit en elle la compagne d’un nouveau voyage. Libres de partir, Minnie et Dick disent adieu à la Californie. Par une narration fl uide, par un décor magnifi que, par le jeu authentique des chanteurs nous franchissons la représentation théâtrale pour appartenir entièrement au monde de La Fanciulla del West. L’Opéra de Montréal interprète avec virtuosité cette oeuvre pour nous en laisser un souvenir émouvant. Bravo.

Raphaelle Occhietti

lundi 15 juin 2009

La Bohème de Giacomo Puccini

Paris, 1830. Un poète, un peintre, un philosophe et un musicien festoient joyeusement dans leur chambre sous les toits, heureux du don inespéré d’un mécène, ce qui leur permettra de manger pour quelques jours. La bohème, c’est cela ; vivre comme un roi même si l’on est sans le sous, vivre comme un prince sans besoin de pouvoir.

Mimi et Rodolphe (Crédits : Metropolitan Opera)

Une nuit, la voisine de palier Mimi vient demander une allumette pour rallumer sa bougie éteinte. Rodolphe, le poète, est seul et tandis qu’il s’apprête à chercher du feu, sa bougie aussi s’éteint. Dans l’obscurité, Mimi échappe sa clé mais le poète ne tarde pas à la retrouver. La dissimulant, il feint de continuer à chercher mais en réalité, c’est la main de Mimi qu’il veut toucher. Les deux jeunes gens, émus, se racontent alors leur vie jusqu’à l’arrivée des trois autres amis. Ces instants dans l’obscurité offrent aux spectateurs les deux airs parmi les plus émouvants de l’opéra : Che gelida manina (qu’elle petite main gelée) et Si, mi chiamano Mimi (oui, on m’appelle Mimi). À nouveau, la bohème c’est cette simplicité des rapports inspirant toutefois des sentiments nobles et dignes des princes.

L’opéra présente la progression de l’amour entre les deux amants. Rodolphe offre un bonnet à Mimi au marché ; après une dispute entre les deux, Mimi explique à Marcel, le peintre, qu’elle ne supporte plus les crises de jalousie de Rodolphe ; les deux amants se réconcilient mais se quittent de nouveau. Pourtant, Rodolphe se rend si nerveux car il craint pour la vie de Mimi, régulièrement assaillie de quintes de toux. Dans le dernier acte, Mimi revient à la chambre de Rodolphe, mourante. Tous les amis s’occupent d’elle et l’installe sur le lit. Les anciens amants restés seuls repensent avec émotion à leur première rencontre, et découvre qu’ils s’aiment toujours autant, malgré cette vie de bohème qui a ruiné la santé de Mimi et qui maintient dans la pauvreté Rodolphe. Mimi s’endort. Au retour des amis apportant un manchon pour réchauffer les mains de Mimi et annonçant l’arrivée du médecin, Rodolphe reprend espoir. Cependant, devant l’abattement général, Rodolphe comprend que Mimi n’est pas simplement endormie et sanglote sur le corps de sa bien-aimée.

Lorsque l’on écoute les airs de cet opéra sans savoir l’histoire, nous sommes frappés par la grandeur d’émotions qui se dégage de la partition et nous imaginons un drame aux destins tragiques. Pourtant, lorsque nous assistons à l’opéra, toute la force sensible des airs nous transporte toujours autant bien que nous découvrions la simplicité des paroles échangées et la condition modeste des personnages. Un simple bonnet rend heureux, la maladie d’un être aimé crée le désespoir. L’opéra développe des personnages très touchants justement par leur humanité.

C’est un véritable enchantement de découvrir cet opéra dans le cadre du Metropolitan Opera, qui a su communiquer par la mise en scène à la fois la tristesse des destins humains et à la fois la gaieté des moments simples. À noter l’apparition dans la scène du café d’un cheval et d’un mulet, ajoutant au grandiose de la représentation. La distribution irréprochable ne nous fait que plus rentrer dans l’histoire. Bien qu’il soit difficile de s’identifier au personnage qui meurt de cette vie de bohème, l’opéra émeut par le rappel de ces valeurs comme l’amour, l’entraide, l’amitié, l’honnêteté, trop souvent absentes des systèmes actuels.

Raphaelle Occhietti

La magie de l'opéra

THAIS, opéra de Jules Massenet (1842-1912). Représentation du 27 décembre 2008 au Metropolitan Opera de New York, sous la direction de Jesùs Lòpez-Cobos, avec Renée Fleming dans le rôle de Thais et Thomas Hampson dans celui d'Athanaël.

L’histoire se déroule en Égypte, à l’époque paléochrétienne du 4e siècle. Le livret de Louis Gallet reprend le thème d’un roman d’Anatole France, sans toutefois en garder l’ironie sulfureuse. Il s’agit de la conversion, par un moine cénobite vivant dans le désert, d’une courtisane de la ville « corrompue » d’Alexandrie. Le texte de qualité, chanté en français, et la musique typique de l’école française de la fin du 19e siècle développent une progression psychologique très fine : celle du moine zélé et intransigeant découvrant l’amour terrestre, et en parallèle, celle d’une prétresse de Vénus en pleine gloire amoureuse qui prend conscience que sa beauté n’est pas éternelle et qui rejette tout pour s’abandonner à l’amour divin. Elle suit dans le désert le moine jusqu’à l’épuisement puis, dans le couvent, à force de privations, meurt en état d’extase religieuse.

Les décors, le désert, la ville, l’enceinte du couvent s’accordent aux épisodes de l’intrigue. Le jeu des différents interprètes est vivant. La danse voluptueuse et tentatrice est théatralement suggestive et réussie (hormis un mouvement de tête relevant de la danse indienne). En général, les costumes des moines, des nonnes et des courtisanes respectent au premier degré les conventions. Face aux détails anachroniques du gardien armé d’un fusil, des serviteurs vêtus à la turque, de l’invité à veste en queue de pie, du philosophe en robe de chambre bourgeoise et à petite moustache, des questions se posent : cela fait-il partie du scénario et de la tradition ?, a-t-on voulu rappeler volontairement le style fin de siècle originel (la première représentation date de 1894) ?, le metteur en scène et le costumier seraient-ils dépourvus de culture historique ?.

Au delà du thème suranné (mais les zèles et fanatismes religieux de tous bords d’aujourd’hui montrent combien le thème reste actuel), malgré le scénario linéaire, les limites de la composition musicale et certains détails de mise en scène, la magie de l’opéra a transcendé l’oeuvre et sa représentation. Cette magie est avant tout redevable à la forte présence de Renée Fleming sur la scène, à son chant dans un registre de trois octaves, à sa beauté et à son jeu émouvant, en duo avec un Thomas Hampson irréprochable. Bien sûr, le cadre du MET et l’émotion de son public ont également porté l’oeuvre ; ceci fut évident à la fin du célèbre interlude « Méditation » pour violons, violon solo et harpe.

Le MET a redonné vie à cette oeuvre rarement jouée. Le thème de l’oeuvre et la maison incendiée réveillent un pan de l’histoire trop souvent oublié : celui de la destruction fanatique par les chrétiens des lieux de culte antiques et d’une partie de la Bibliothèque d’Alexandrie. Et aujourd’hui combien de personnes sont tuées ou enclavées au nom de religions ?

Serge Occhietti

Macbeth de Verdi

Macbeth, à l’origine une tragédie de Shakespeare, est l’histoire d’un homme à l’ambition démesurée, manipulé par son épouse, dont les remords et l’aveuglement causeront la perte. Macbeth et Banco sont des seigneurs d’Écosse qui, à leur retour d’un combat victorieux, rencontrent des sorcières dans la forêt. Celles-ci prédisent que Macbeth sera fait seigneur de Cawdor puis qu’il deviendra roi alors que Banco, lui, engendrera des rois. Suite à la réalisation de la première prophétie, Lady Macbeth encourage son époux à assassiner le roi qui vient les visiter et ainsi permettre à la deuxième prophétie de se réaliser. Un assassinat ne venant pas seul, Macbeth doit faire assassiner Banco et son fils s’il ne veut pas risquer d’être détrôner par la descendance de son ami. Tandis que le fils s’échappe de justesse, Macbeth est terrifié par l’apparition du fantôme de son ancien compagnon d’arme. Macbeth est déchiré entre le remords et le désir d’anéantir les armées qui se lèvent contre lui. Il se sent cependant invincible car les sorcières ont juré que rien ne lui arriverait tant que la forêt de Birnam ne marcherait pas sur son château. Lady Macbeth, tourmentée par ses mains salies du sang d’innocents, est prise de somnambulisme, puis meurt. Macbeth confronte l’arrivée d’une armée camouflée par les branchages de la forêt de Birnam. Il meurt à son tour, après la réalisation de la troisième prophétie.

Lord Macbeth et Lady Macbeth (Crédits photo : Paul Blondé, Polyphoto)

Cet opéra ne suscite certes pas la même émotion que la Bohème, par exemple, puisqu’il s’agit d’un règlement de compte « musclé » entre des hommes finalement tous avides de pouvoir. En effet, lorsqu’à la fin de l’opéra le nouveau roi monte sur le trône, rien ne le différencie de Macbeth, ni physiquement, ni par les moyens utilisés pour la prise de pouvoir. Cependant, l’orchestration est particulièrement réussie (livret musical de Verdi) et élève cette histoire au même degré de complexité psychologique que l’œuvre de Shakespeare. Les remords de Macbeth, le dégoût d’elle-même de Lady Macbeth ainsi que l’attente des tueurs de Banco dans la forêt font partie des moments musicalement forts qu’offre cet opéra. Plus particulièrement, le désespoir mêlé d’espérance des hommes qui attendent de retrouver un roi légitime est singulièrement touchant et rappelle des situations actuelles d’hommes sans pays que l’on tente d’éliminer du monde des vivants (Tibétains, Palestiniens…). La forte présence musicale de Lady Macbeth contribue d’une façon très enrichissante au récit et bien que l’on ne désire pas s’identifier à elle, cette femme impose et impressionne. Elle et Macbeth ont brisé la vie de plusieurs personnes mais, au moins, nous nous consolons en pensant qu’eux sont rongés de l’intérieur par leur faute, alors qu’aujourd’hui présidents corrompus de compagnies ou de pays ne se donnent même pas cette peine.

La mise en scène sobre permettait très bien de rendre l’atmosphère un peu lourde de la tragédie ou encore l’apparition du fantôme astucieusement évoquée par une lumière rouge. Il est cependant dommage qu’elle ne respecte pas certaines règles de décorum, comme faire monter la reine sur une table, de l’habiller en cocotte ou encore de présenter l’armée du XIe siècle en uniforme de la Première Guerre mondiale. Toutefois je vous recommande d’aller faire par vous-même l’expérience de cet opéra qui saura garder votre attention jusqu’à la fin.

Raphaelle Occhietti

Saint François d'Assise, opéra d'Olivier Messiaen

Saint François d'Assise, Scènes franciscaines en trois actes et huit tableaux, poème de Olivier MESSIAEN, opéra présenté en version concert à la Place des Arts, vendredi 5 décembre et mardi 9 décembre 2008.

Ce monument de musique, achevé en 1983, était présenté pour la première fois au Canada, dans le cadre du centenaire de la naissance de Olivier MESSIAEN, compositeur français (1908-1992).

Le décor : un orchestre de 119 musiciens et un choeur de 150 chanteurs sur toute la scène de la salle Wilfrid Pelletier, un plein écran au-dessus.

L’oeuvre : une structure simple, 3 actes et 8 tableaux, qui dure 4 heures, sans compter deux entractes (50 mn hors retard dû à la tempête de neige de mardi et 15 mn).

Le thème : des exemples de l’itinéraire spirituel de François d’Assise : l’épreuve d’amour pour un lépreux, l’apparition de l’ange et le sermon aux oiseaux et, enfin, les stigmates et la mort. Plus qu’un opéra, il s’agit en fait d’un long poème de spiritualité chrétienne où alternent des voix humaines avec soutien orchestral et des séquences orchestrales avec ou sans choeur. Pour saisir pleinement cette oeuvre musicale, l’auditeur doit accepter cette louange religieuse et la monumentale mise en musique proposées par MESSIAEN.

Olivier Messiaen, crédits : Yayoi Kuruma

Les frères religieux et François, hiératiques en avant de l’orchestre, ainsi que l’ange chantent selon un mode proche du récitatif, avec une diction en général suffisante pour comprendre le texte.

L’orchestre crée l’atmosphère, introduit les personnages par des leitmotive et leur répond. Ce dialogue concertant entre les personnages et l’orchestre, ainsi que les thèmes récurrents, maintiennent l’intérêt de l’auditeur et lui permettent de supporter l’absence d’action et la longueur de l’oeuvre. L’écriture musicale est extrêmement riche et laisse deviner une complexité sous-jacente (La partition de 8 volumes pèse 12 kg). MESSIAEN met en valeur les percussions et leur cède plusieurs fois l’exclusivité, ce qui permet à l’auditeur à la fois de respirer et de suivre un jeu de percussion à couper le souffle.

Cette musique semble paradoxalement sobre, dépouillée, avec une combinaison de timbres et de sons qui fusionnent en méta-musique. Musique du 20e siècle, sans fioriture, où l’inspiration spirituelle s’exprime intellectuellement, où l’émotion est transposée en langage musical abstrait.

La performance : nous devons louer le chef d’orchestre, Kent NAGANO, d’avoir dirigé cette oeuvre avec rigueur et passion et offert une performance éblouissante. Parvenir à intégrer l’orchestre, le choeur et les chanteurs nécessite une précision rythmique parfaite. La direction de Kent NAGANO est d’autant plus remarquable qu’il a dû intégrer à l’Orchestre symphonique de Montréal des musiciens et choristes d’autres orchestres (universités de Montréal et de McGill, UQAM) et semble-t-il des percussionnistes invités de France. Le Saint François d’Assise de Kent NAGANO restera un événement de référence internationale. Les chanteurs et la chanteuse avaient une présence à la mesure de leur rôle, lumineuse pour l’ange, forte et expressive pour le lépreux, les frères Léon, Bernard et Élie, plus effacée pour les frères Massée et Rufin. Que l’on pardonne le mécréant qui écrit ces lignes, mais il imaginait François touché par la grâce, illuminé par la béatitude spirituelle, humble parmi les humbles, recueilli, et non un moine professionnellement correct, statique, inexpressif. Le choeur, utilisé plus comme un complément occasionnel que comme un partenaire concertant, était chaleureux. L’orchestre a été fantastique. À noter le défi pour les trombones de jouer certaines parties brèves et très rapides en même temps que les percussions, dans l’intermède du premier acte. La création visuelle avait au moins une qualité, elle n’interférait pas avec l’écoute et le regard aux chanteurs et à l’orchestre. La fusion des visages dans les images, notamment celui de l’ange, renforçait le symbolisme.

Kent Nagano, crédits : Jean Olivier, journal de Montréal

Les grands moments : le dialogue musicalement contrasté du lépreux et de François (Acte 1), les ondes Martenot de la musique céleste et le chant des oiseaux de l’Acte 2, les intermèdes de percussion des trois actes, l’apothéose finale de l’Acte 3.

Le Saint François d’Assise de Olivier MESSIAEN ? une invitation à écouter les oiseaux et le bruissement nocturne des étoiles dans l’espace.

Serge Occhietti

Starmania, ou la passion de Johnny Rockfort selon les évangiles télévisés

_Alors, comment t’as trouvé le spectacle ?

_Starmania ? La version opéra faite spécialement pour le 30e anniversaire de la production ? Tout simplement géniale ! C’est le meilleur show ever.

_Tout à fait d’accord avec toi. Je connaissais déjà très bien Starmania version rock, mais là, en version opéra, j’en reste bouche bée. Ils ont réussi à faire ressortir le côté opéra du concept d’opéra-rock de Michel Berger et de Luc Plamondon sans pour autant être ridicule, tout au contraire !

_Et puis l’intrigue, je la trouve poignante et plus qu’actuelle. Avec tout ce qui est dit sur les problèmes de crise économique, de dirigeants-dictateurs et d’hommes d’affaires, on ne saurait être plus ancré dans notre société !

_C’est sûr, mais je trouve que tu dresses un tableau bien sombre de l’histoire. Tout n’est pas noir quand même. Il y a trois histoires d’amour parallèles qui se développent au cours des deux heures de spectacle. La serveuse automate Marie-Jeanne et Ziggy, le disquaire androgyne, qui vivent un amour impossible, quelle histoire sublime ! Il y a aussi l’idylle médiatique entre l’homme d’affaires-politicien Zéro Janvier et la star déchue Stella Spotlight, et finalement l’histoire d’amour passionnel entre Johnny Rockfort, le chef des zonards qui deviendra par la suite le leader du groupe terroriste des Étoiles noires, et Cristal, animatrice TV de l’émission Starmania.

Johnny Rockfort et les étoiles noires (Crédit photo : Polyphoto)

_En parlant des Étoiles noires, tu pourrais m’expliquer le lien entre elles, Sadia, Johnny et Zéro Janvier ?

_Ok. En gros, Zéro Janvier est un richissime homme d’affaire qui se lance en politique pour devenir président de l’occident et ainsi imposer ses idées totalitaires aux villes du monde. L’histoire se déroule à Monopolis, une sorte de mégalopole deshumanisée où gravitent en électrons libres les personnes qui se sentent rejetées de ce système ou incomprises. Pour tenter de renverser ce système, Sadia, chef du mouvement terroriste des Étoiles noires, demande à Johnny Rockfort de prendre la tête de la rébellion et du mouvement de revendication. À eux deux, ils organisent l’interview télévisée entre Cristal, charmante présentatrice de Starmania et Johnny Rockfort pour donner la parole au Étoiles noires qui sèment la terreur dans la ville. Étonamment, Cristal et Johnny tombent amoureux, ce qui provoque la jalousie de Sadia qui retourne sa veste et s’allie à Zéro Janvier.

Zéro Janvier (Crédits photo : Polyphoto)

_Ah ! C’est pour ça qu’elle les dénonce lorsqu’ils mettent la bombe au Naziland (le 737 de Monopolis) ?

_Oui c’est ça, ce qui conduit à l’assassinat de Cristal et l’avènement au pouvoir de Zéro Janvier. En bref, ils font comme les chefs d’état actuels, ils utilisent une manifestation légitime pour mettre en place un état répressif et policé.

_Au fait, c’est quoi les airs que tu as préférés ?

_Moi j’adore la chanson de la serveuse automate Je veux pas faire comme tout le monde, mais je dois bien payer mon loyer : ça me rappelle mes jobs d’été. Sinon : « le monde est stone », j’ai l’impression que ça vient nous chercher au fond de nous même et qu’on a envie de se prendre la tête à deux mains de désespoir. En même temps, puisque le spectacle se termine par ce lever de soleil, c’est optimiste.

_Et vu que tu connaissais déjà les anciennes versions rock, que penses-tu de l’interprétation faite par les chanteurs de l’Opéra de Montréal ?

_Sincèrement, je dirais que la transition est merveilleusement accomplie. Les décors et la superbe chorégraphie ajoutent tellement au spectacle ! C’est sûr que certains textes passent moins bien à cause de quelques rimes qui semblent faibles. Mais l’émotion nous tient quand même tout au long du spectacle. Par exemple le moment où Johnny Rockfort tient dans ses bras le corps inerte de Cristal : la voix du baryton Étienne Dupuis, qui passe du grave à l’ultra aigu m’a fait frissonner. Qui ne s’identifierait pas à cet SOS d’un terrien en détresse ?

_Oui tu as raison, aujourd’hui, alors que les banques entretiennent volontairement la crise, et que les gouvernements essaient de nous transformer en simple ressource humaine (au même titre que des ressources minières), comment ne pas vouloir se révolter contre ces gens qui nous méprisent et nous mentent et ainsi agir comme Johnny Rockfort ?

_Bon, sur ce, pour ce dernier article culture de l’année 2008-2009, laissons aux lecteurs du Polyscope le soin de juger par eux-mêmes de l’extraordinaire qualité de cette représentation.

Raphaelle Occhietti et William Sanger

vendredi 12 juin 2009

Tchaïkovski possédé par son double, Eifman Ballet Theatre (Invitation des Grands Ballets canadiens de Montréal)

Qui dit Tchaïkovski pense à Casse-noisette, à la Belle au bois dormant et au Lac des cygnes : tutus blanc et danseurs efféminés quoi ! Rectifions le tir, loin de là ! Invitée par les Grands Ballets canadiens de Montréal, la troupe de Boris Eifman, provenant de St-Pétersbourg en Russie, nous a offert, les 12-13 et 14 février derniers, un spectacle d’une rare beauté : Tchaïkovski possédé par son double.

Durant les deux actes qui composent cette représentation, les danseurs nous proposent de découvrir la nature tiraillée du grand compositeur russe que fut Tchaïkovski. Dès le début où l’on voit le maître sur son lit de mort, son double est présent à ses côtés, cette partie sombre de sa personnalité qu’il ne peut réfréner et qui l’attire vers le sexe masculin. Tchaïkovski se remémore certaines scènes du passé, où les promenades paisibles dans les parcs avec les couples « normaux » deviennent de véritables scènes humiliantes. Incompris, ayant peur que les autres ne découvrent sa vraie nature, il tente de refouler cet aspect de lui qui fait pourtant partie intégrante de sa personne, de son être.

Malgré une prestation sans faille et une technique parfaite de la troupe de Boris Eifman, il est à noter que ces scènes paraissent faibles, déconnectées par rapport à la musique, du crémage facile, tout en étant très belles. Mais là où le spectacle sort de l’ordinaire et où émane une puissance sans précédents est au moment où le maître se dédouble et laisse libre cours à ses envies, à ses pulsions et à ses passions. Une véritable libération s’effectue pour Tchaïkovski, qui se traduit par des enchaînements originaux, sensuels et créateurs entre les deux danseurs. Les moments de silence où la musique prend place dans la tête du compositeur impose à l’audience la beauté universelle du mouvement. Le créateur succombe à ses passions, à son amour pour la beauté.

L’acte II, avec cette partie de cartes où les joueurs endossent le rôle de dangers, de complices et d’amants du compositeur, restera un moment de pur délice, tant par la force dégagée par l’interprétation des danseurs que par la sensualité et la beauté des sentiments mis à nu devant nos yeux. Tchaïkovski ne trouvera refuge que dans la création artistique, son être physique et son esprit étant constamment tiraillés et émaillés par ses pulsions. D’après Boris Eifman, créateur du ballet, « la beauté est hautaine et ingrate, et nul ne peut retenir les instants d’harmonie. Les héros de ses oeuvres vivent selon leurs propres lois, laissant l’âme du créateur vide et douloureuse. »

La performance des danseurs fut complétée de la plus belle façon par la musique de Tchaïkovski. Plus qu’une simple trame sonore, les oeuvres musicales prirent vie devant nos yeux et jouèrent un rôle majeur autant dans l’atmosphère créée que dans les sentiments transmis au public. De grandes interprétations et enregistrements de l’ère soviétique se succédèrent au cours du spectacle. Les curieux auront l’occasion d’écouter ces airs, notamment ceux de l’Orchestre philharmonique de Leningrad (Symphonie no 5 en mi mineur, op. 64 ; Symphonie no 6, op. 74 - Pathétique, finale), du Choeur symphonique de l’État russe (Liturgie de saint Jean Chrysostome), de l’Orchestre symphonique du ministère de la Culture de l’URSS (Sérénade pour cordes, op. 48 - Valse et Élégie) et finalement de l’Orchestre d’État de Russie (Capriccio italien, op. 45). Tchaïkovski facine par son talent, par son génie et par la beauté de ses créations.

Eifman Ballet Théâtre

Voulant rompre avec la rigidité soviétique de l’époque, Boris Eifman fonde en 1977 sa propre troupe de danseur, le Eifman Ballet Théâtre. Caractérisé par une volonté d’indépendance à toute épreuve, il se détache de l’académisme russe et de ses règles strictes. La compagnie, composée de 60 danseurs aux aptitudes et talents impressionants, réside à St-Pétersbourg en Russie. Très prolifique, elle est l’une des seules du pays à pouvoir produire une à deux nouvelles oeuvres par année.

Boris Eifman, chorégraphe passionné, créateur et artiste à la nature inspirée, est couronné de gloire en Russie où, à partir de 1997, lui sont ouvertes les portes du Théâtre Bolchoï, considéré comme la plus prestigieuse scène du pays. Il décrit ainsi la composition artistique : « Tout est dans l’esthétique, mais la beauté formelle du geste n’est pas une fin en soi. Cela ne signifie pas que la qualité plastique de la chorégraphie soit moins importante que le fait de trouver une certaine intensité dramatique des situations. Je crois simplement que l’on ne peut pas saisir la beauté comme une notion abstraite. Quand je crée un mouvement, c’est bien sûr avec l’idée de créer une émotion exprimant un sentiment, et cette émotion passe nécessairement par un besoin esthétique. » Merci au Eifman Ballet Théâtre de parcourir le monde pour nous émerveiller !

William Sanger

La Flûte enchantée, Mozart (Metropolitan Opera de New York)

L’opéra s’ouvre par une envolée de dragons blancs encerclant dans les airs le prince Tamino (interprété par Dimitri Pittas) poursuivi par un dragon géant crachant tout autour de lui des flammes. Trois sorcières au service de la Reine de la Nuit (Cyndia Sieden) viennent à son secours et l’aident à vaincre ce terrible monstre. Ayant sauvé Tamino, elles donnent au prince une quête, soit de délivrer Pamina (Nicole Cabell) la fille de la Reine de la Nuit, enlevée par le méchant magicien Sarastro (Eric Owens). Tamino croise sur son chemin le joyeux chasseur d’oiseaux Papageno (Rodion Pogossov), qui ne peut résister aux plaisirs terrestres.

Tamino et Papageno, auxquels sont donnés respectivement une flûte enchantée et une boîte à clochettes magique qui les aideront dans leur périple, font maintenant route commune pour sauver Pamina. Une fois arrivé, Tamino découvre que Sarastro est en fait le mage de la vérité et de la vertu tandis que la Reine de la Nuit est tombée dans les ténèbres. Il a donc soustrait Pamina à la mauvaise influence de sa mère. Sarastro informe alors le prince que pour être digne de la jeune princesse, il devra accéder à la confrérie en réussissant les trois épreuves imposées, soit celle du silence et de l’abstention, celle du feu, et finalement celle de l’eau. Papageno l’accompagne bien malgré lui à travers ce rite initiatique, ayant comme récompense une belle Papagena si les épreuves sont réussies. Dès la première épreuve, Papageno, trop épeuré pour garder le silence, trop bavard pour se taire, trop gourmand pour ne pas s’empiffrer de mets délicieux et de pleines coupes de vin, trop heureux pour se priver de vivre joyeusement, laisse Tamino seul à ses épreuves.

Papageno dansant avec les oiseaux

Entre temps, la Reine de la Nuit vient à elle pour la sommer d’assassiner Sarastro, et par chantage maternelle, l’informe qu’elle mourra si elle ne remplie pas sa tâche (fameux air d’une reine possessive, ambitieuse et en colère). Puis, Pamina vient à Tamino alors que ce dernier se concentre pour atteindre la vérité, et ne comprenant pas le silence de l’homme qu’elle aime, repart, désespérée. Finalement, Papageno jure fidélité à une vieille femme qu’on lui a donnée comme épouse pour éviter de rester emprisonné pour toujours dans l’entre-monde. Or, cette dernière se révèle être une belle et jeune oiseleuse et les deux tombent follement amoureux. Quand au prince et à la princesse, ils ont réussit les épreuves du feu et de l’eau accompagnés par l’espoir de la flûte enchantée. Ils sont ainsi dignes de vivre dans la paix d’esprit offert par le temple de la vérité.

L’opéra est une version abrégée l’œuvre de Mozart et est traduite en anglais (originalement en allemand), fait idéalement pour que le jeune public puisse être émerveillé par la beauté du spectacle. Néanmoins, ce conte initiatique où autant l’homme vertueux que le bon vivant sont récompensés et trouvent leur bonheur, laisse planer le spectateur, de tous âge, en pleine rêverie. Le décor, constitué d’un bloc transparent tournant sur lui-même pour passer d’un tableau à un autre, permet aux animaux articulés par des marionnettistes d’envahir la scène (notamment la scène initiale où Tamino est poursuivi par le dragon mais aussi la scène où les ours dansent au son de la flûte enchantée). Toute la gamme des émotions nous submerge, autant l’air de la Reine de la Nuit, dont la robe fait penser à un papillon de nuit écarlate, est à glacer le sang, autant la joie nous envahit lorsque que les ballerines déguisées en oiseaux exotiques tournent autour de Papageno pour tenter de le séduire.

Cette version du Metropolitan Opera est un pur émerveillement pour les yeux, le cœur et l’imaginaire. La Flûte enchantée de Mozart est un opéra à voir à tout prix, autant par la beauté de la représentation que par la partition musicale d’une richesse sans fin, et est tout à fait accessible pour les novices de cet art. Bravo aux interprètes, à l’orchestre du Met et au chef d’orchestre Asher Fisch qui ont su nous remplir d’étoiles et de magie.

Raphaelle Occhietti et William Sanger

Les Pécheurs de perles, Bizet (Opéra de Montréal)

Les premières notes de musique retentissent, le rideau se lève. Un paysage paisible, soleil couchant bordant les eaux surmontées par les pécheurs de perles s’offre devant nos yeux ébahis de couleur, d’exotisme et de beauté.

Sur l’île de Ceylan, Zurga devient le nouveau chef de la tribu. Son meilleur ami Nadir, un frère de coeur, revient au village. Une jeune et belle femme les avait séparés auparavant, mais plutôt que d’être monté l’un contre l’autre pour son amour, il ont jurés de renier leurs sentiments et de rester fidèles à leur amitié profonde.

Leïla, sublime prétresse d’une beauté sans précédent, arrive au village. En échange de la plus grosse perle péchée, Leïla doit restée isolée du monde extérieur et se consacrer au culte des dieux. Cachée sous ses voiles, les deux amis reconnaissent en elle la jeune et belle femme qui les a séparés autrefois.

Lors de l’Acte II, le grand prêtre rappelle les obligations de Leïla. Néanmoins, Nadir succombe à ses sentiments et ne peut s’empêcher de retrouver le temps d’une nuit sa belle aimée. Leïla et Nadir chantent leur amour, leur voix s’entremêlant pour ne faire qu’une.Le chef Zurga surprend les amants et déchaîne sa colère : Leïla et Nadir seront condamnés à mort.

Acte III, les foudres retentissent, le feu s’attaque au village de l’eau, les villageois se dispersent et s’affairent à sauver leur maison... Pendant ce temps, Zurga se glisse vers les prisons et vient délivrer les amants. Il ne peut se résoudre à faire périr son ami et son amour, et les laisse s’échapper. Zurga meurt tragiquement après les avoir protégés, abattu par un des mercenaires du grand prêtre.

Les Pécheurs de perles témoigne avec force de l’amitié profonde qui unit deux hommes au delà des dangers et de la mort. L’opéra présente une seconde partie d’une grande intensité, repoussant les critères du genre jusqu’à leur limite. La musique de Bizet apporte une virtuosité à l’oeuvre, réhaussée par la chorégraphie des danseurs et l’air majestueux, pur et profond « Au fond du temple saint ».

Un grand bravo à la performance des acteurs mais aussi à la qualité des décors et la richesse des costumes. La créatrice britannique Zandra Rhodes apporte la touche sublime qui permet de plonger l’assistance en plein enchantement l’espace de trois actes, un pur moment onirique. Les Pécheurs de perles de Bizet, opéra en langue française présenté les 1, 5 8, 10 et 13 novembre à 20h à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Prix étudiants à partir de 27.6$ sous présentation d’une carte valide. À voir absolument, une œuvre d’une réelle beauté.

Merci à Elsa Tasse, Colleen Mathieu, Roman Adamski et Paul Blondé, membres de Polyphoto, pour les clichés.

William Sanger